Elle l’a attendu toute la nuit, encore. Le téléphone ne sonnait pas, et les excuses, quand elles venaient, étaient toujours les mêmes. Et pourtant, elle est restée. Pas parce qu’elle était faible, mais parce qu’elle croyait que c’était ça, l’amour : attendre, pardonner, espérer.
Ce n’est pas qu’elle ne savait pas qu’il la blessait. Elle le savait très bien. Mais elle avait tellement peur de perdre quelque chose qu’elle croyait vital qu’elle s’est perdue elle-même. Elle s’est oubliée dans l’histoire de quelqu’un qui ne faisait plus attention à elle.
Ces femmes-là, celles qui restent malgré les trahisons, les silences, les absences, les mots durs, on les appelle courageuses. Mais en vérité, elles sont simplement fatiguées. Fatiguées de croire que leur douleur est le prix à payer pour ne pas être seules.
Elle se dit que les choses vont changer. Qu’il va finir par comprendre. Qu’il va revenir à ce qu’il était au début. Elle tient bon, encore un peu. Elle pense que si elle aime assez fort, assez sincèrement, ça suffira pour le réparer, pour le ramener.
Mais chaque nuit où il ne revient pas, chaque mot qu’il ne dit pas, chaque geste qu’il oublie de faire, elle s’efface un peu plus. Ce n’est pas une rupture brutale. C’est une disparition lente. Une perte d’elle-même à petits feux.

Elle continue de sourire en public, de dire que tout va bien. Elle trouve mille excuses pour lui : son travail, sa fatigue, son passé difficile. Elle justifie l’injustifiable parce qu’elle préfère souffrir en silence plutôt que d’affronter le vide.
Et pourtant, ce vide est déjà là. Elle vit avec lui tous les jours. Ce n’est pas l’absence d’un homme qui fait mal, c’est sa présence sans attention, sans tendresse, sans engagement. Elle partage un lit, mais pas une intimité. Un quotidien, mais pas une vie.
Au fond d’elle, elle sait qu’elle mérite mieux. Mais elle ne s’en souvient plus assez fort pour agir. Parce que quand une femme oublie comment s’aimer, elle commence à penser que tout ce qu’elle reçoit est ce qu’elle vaut. Elle confond patience avec amour, tolérance avec force.
Elle ne se reconnaît plus dans le miroir. Ce n’est pas juste son reflet qui a changé, c’est son regard. Un regard fatigué, éteint, qui cherche encore une étincelle dans un désert. Elle s’habille comme avant, mais sans conviction. Elle se maquille pour cacher les cernes, pas pour se sentir belle.
L’amour ne devrait jamais faire douter une femme de sa valeur. Il ne devrait jamais la faire pleurer en cachette ou la réveiller avec le cœur serré. Et pourtant, elle continue d’appeler ça de l’amour, parce qu’elle a oublié que l’amour commence par soi.

Elle s’excuse trop. Elle se demande toujours si elle en fait trop, pas assez, si elle devrait parler ou se taire. Elle marche sur des œufs dans sa propre vie. Elle devient spectatrice d’une relation qu’elle porte à bout de bras.
Ce n’est pas qu’elle n’a pas de force. C’est qu’elle l’utilise pour tenir une relation qui la vide. Une force mal placée, qui la pousse à tenir au lieu de lâcher. Elle croit que partir serait une défaite, alors qu’en réalité, ce serait sa renaissance.
Elle a appris à aimer les autres avant de s’aimer elle-même. On lui a dit que le pardon est noble, que l’amour supporte tout. Mais on ne lui a pas appris à dire stop. À dire non. À se choisir sans honte. À quitter sans se sentir égoïste.
Elle pense encore que si elle reste assez longtemps, il finira par changer. Mais ce qu’elle ne voit pas, c’est que c’est elle qui change, lentement, douloureusement. Elle devient une version d’elle-même qu’elle n’aurait jamais accepté pour une amie.
Si une autre femme vivait ce qu’elle vit, elle lui dirait de partir. Elle lui dirait qu’elle mérite mieux. Qu’elle n’a pas à se sacrifier pour être aimée. Mais quand il s’agit d’elle, elle doute, elle hésite, elle espère encore.

Ce qu’elle doit comprendre, c’est qu’elle n’est pas aimée pour ce qu’elle tolère. Elle est simplement utilisée. Parce qu’un homme qui t’aime ne te pousse pas à te trahir. Il ne te fait pas croire que tu es difficile à aimer. Il ne te demande pas de te faire petite pour qu’il se sente plus grand.
Un jour, peut-être, elle se réveillera avec ce déclic. Elle se rendra compte que rester ne l’a pas sauvée. Que ce n’est pas en s’oubliant qu’elle gagnera l’amour des autres. Et que s’aimer, ce n’est pas un luxe, c’est une nécessité.
Ce jour-là, elle ne criera pas. Elle ne cherchera pas à se venger. Elle se lèvera, ramassera ses morceaux, et marchera loin de tout ce qui lui a fait croire qu’elle devait se contenter de si peu.
Et ce jour-là, elle se regardera dans le miroir avec un nouveau regard. Un regard fier. Pas parce qu’elle n’a plus mal, mais parce qu’elle a enfin choisi de ne plus souffrir par choix.
Elle se rappellera que l’amour ne vaut rien si elle doit se perdre pour le garder. Et que la seule fidélité qui ne trahit jamais, c’est celle qu’on se doit à soi-même.
