Tu as souri, et j’ai cru que c’était le soleil. Tes mots étaient doux, choisis avec soin, enrobés de compliments qui semblaient tomber comme une pluie d’été. Je me souviens de cette chaleur au creux de l’estomac, cette sensation rare de sécurité. Mais ce n’était pas de l’amour. C’était le piège. Le début d’un long naufrage que je n’ai pas vu venir.
Tu étais toxique depuis le début. Mais moi, j’avais faim. Faim de tendresse, faim d’attention, faim d’être vue. Tu m’as servi exactement ce dont j’avais besoin pour te laisser entrer. Et une fois à l’intérieur, tu as commencé à tout redécorer selon tes règles. Lentement, subtilement, tu as changé les fondations.
Tu savais jouer. Tu me tenais par le silence autant que par les mots. Quand tu disparaissais, je me sentais coupable. Quand tu revenais, c’était avec des excuses si bien emballées que j’en oubliais pourquoi j’étais en colère. Tu faisais de moi une étrangère à moi-même. J’ai commencé à douter de tout ce que je ressentais.
J’ai défendu ton nom auprès de mes amis, j’ai inventé des excuses pour tes absences, tes regards froids, tes soupirs exaspérés. Je devenais experte en justification. Je mentais même à ma propre voix intérieure qui hurlait que quelque chose clochait. Et plus je me mentais, plus je sombrais.
Il y avait toujours une raison pour laquelle tu agissais ainsi. Ton passé. Tes blessures. Ton stress. Tu étais toujours la victime, et moi, toujours celle qui devait comprendre. Alors j’ai compris, encore et encore, jusqu’à m’oublier complètement. Je m’étais convaincue que si je t’aimais assez, tu finirais par guérir.

Petit à petit, je suis devenue moins joyeuse. Moins brillante. Je faisais attention à ce que je disais. À comment je m’habillais. À qui je parlais. Chaque décision passait par un filtre : est-ce que ça va le déranger ? Est-ce que je vais déclencher une tempête ? Je vivais en état d’alerte constant. Comme une prison sans murs.
Mais l’amour ne devrait jamais ressembler à un champ de mines. Il ne devrait pas faire peur. Il ne devrait pas te faire douter de ta valeur chaque matin. Et pourtant, c’est devenu mon quotidien. Je ne vivais plus, je survivais à côté de toi. J’étouffais, mais je souriais.
Tu me critiquais en prétendant que c’était « pour mon bien ». Tu minimisais mes émotions, me faisais croire que j’exagérais. Tu me faisais douter de ma propre perception. Et quand je réagissais, tu m’accusais d’être « trop sensible ». C’était toujours moi, jamais toi.
Un jour, j’ai pleuré seule dans une pièce, sans savoir exactement pourquoi. J’étais vidée, éteinte, et pourtant toujours incapable de mettre des mots sur ce que je vivais. Parce que tu avais réussi à brouiller tous mes repères. Je ne savais plus ce qui était normal. Je ne savais plus qui j’étais sans toi.
Le pire, c’est que je t’aimais. Ou du moins, j’aimais l’idée de toi. J’aimais ce que tu me faisais croire qu’on pouvait être. J’aimais les rares moments de tendresse qui me faisaient espérer que tout n’était pas perdu. Mais ces miettes d’affection étaient stratégiquement placées pour me garder attachée. Un fil invisible me liait à toi.

Je t’ai idéalisé. Tu m’as manipulée. Et maintenant, je suis en colère. Pas seulement contre toi, mais surtout contre moi. Contre cette version de moi qui a cru que c’était ça, l’amour. Contre celle qui a toléré l’intolérable en espérant que tu changes. Je m’en veux d’avoir été aussi patiente.
Mais tu ne changeras pas. Parce que tu n’en vois pas le besoin. Tu te nourris du déséquilibre, de ce pouvoir malsain que tu as su tisser avec patience. Et moi, je me suis perdue à vouloir t’aimer plus que je ne m’aimais moi-même. J’ai tout donné, et tu n’as rien construit.
J’ai mis du temps à comprendre. Trop de temps. Et c’est ça qui me ronge le plus : pas que tu aies été toxique, mais que je sois restée, longtemps après que mon cœur ait su. J’ai fermé les yeux, j’ai étouffé ma voix, j’ai nié mon propre mal-être. Par loyauté envers quelqu’un qui ne m’aimait pas vraiment.
Aujourd’hui, je vois clair. Tu étais toxique depuis le début. Et j’étais trop aveugle pour m’en rendre compte. Mais plus maintenant. Plus jamais.
Je reprends ma voix, même si elle tremble encore. Je reconstruis chaque morceau que tu as ébréché. Je n’ai plus besoin de ta validation. J’ai besoin de moi. De mes rires sincères, de mes choix libres, de ma paix retrouvée. Je réapprends à m’aimer sans conditions.

Tu ne méritais pas tout l’amour que je t’ai donné. Et pourtant, je ne regrette rien. Parce que de cette douleur est née une force que je ne soupçonnais pas. Tu m’as brisée, mais tu m’as aussi révélée. C’est dans le chaos que j’ai découvert ma lumière.
Tu ne seras plus jamais un chapitre que je relis. Tu es une leçon que je retiens. Et moi, je suis enfin prête à écrire la suite, sans toi, pour moi.
