Je me souviens encore du début. Tout semblait parfait. Tu étais charmant, attentionné, presque trop beau pour être vrai. Et c’est justement parce que c’était trop beau que je n’ai pas vu les fissures apparaître.
Petit à petit, tu as commencé à grignoter ma confiance, à redessiner les contours de mon identité pour qu’ils s’alignent sur ce que tu voulais de moi. Ce n’était pas brutal, non. C’était sournois, subtil. Une remarque déplacée ici, une moquerie voilée là, et très vite, je ne savais plus où était le vrai et où était le faux.
Tu m’as manipulée. Tu as retourné mes mots, mes gestes, mes silences contre moi. Tout devenait sujet à conflit, à critiques, à doutes. J’avais tort même quand j’avais raison. J’avais peur de parler, peur de me taire, peur de respirer trop fort.
Tu réussissais toujours à me faire croire que tout venait de moi, que c’était moi le problème, moi l’instable, moi la dramatique. Et moi, je t’aimais. Follement. Suffisamment pour douter de ma propre réalité.
Je n’étais plus qu’un reflet tremblant dans un miroir que tu brisais chaque jour un peu plus. Je me regardais sans me reconnaître. Où était passée la fille forte, rieuse, confiante ? Elle était toujours là, au fond, mais ensevelie sous les couches de peur et de tristesse que tu avais empilées sur elle.
Tu savais exactement comment appuyer où ça faisait mal, comment raviver mes blessures passées pour en faire des armes dans tes mains.
Je m’en veux parfois d’avoir tant toléré. De ne pas avoir réagi plus vite, de t’avoir laissé me voler du temps, de l’énergie, de l’espoir. Mais je sais aujourd’hui que le problème, ce n’était pas ma patience ou ma générosité. Le problème, c’était ton besoin de contrôle, ton incapacité à aimer sans dominer.
Tu ne savais pas aimer librement, sainement. Tu ne savais qu’attacher, retenir, posséder.
Mais voilà : un jour, j’ai ouvert les yeux. Pas d’un coup. Non. Lentement, douloureusement, comme lorsqu’on sort d’un long sommeil émaillé de cauchemars. J’ai commencé à réentendre ma propre voix, à croire à nouveau ce que mon intuition me criait depuis longtemps.
J’ai parlé à mes proches, j’ai lu, j’ai pleuré, j’ai compris. Et petit à petit, j’ai reconstruit ce que tu avais voulu détruire : moi.
J’ai réappris à faire confiance à mes ressentis, à dire ce que je pense sans trembler, à exister pleinement sans chercher la validation d’un regard extérieur. C’était difficile, parce que ton ombre me suivait encore, dans mes doutes, dans mes silences.
Mais chaque jour, je reprenais un peu plus de terrain, un peu plus de moi. J’ai réappris à rire, à sortir, à dire non. J’ai appris à poser mes limites comme des actes d’amour-propre.
Tu as essayé de me briser, mais chaque fissure a laissé passer une lumière nouvelle. Une vérité. Une force. Aujourd’hui, je ne suis plus la femme que tu as connue. Je suis plus forte, plus lucide, plus libre. J’ai appris à poser des limites, à reconnaître les signaux d’alerte, à dire non sans culpabiliser. Et surtout, j’ai appris à m’aimer moi-même sans passer par le regard de l’autre.
Tu ne m’as pas gagnée. Tu as perdu. Tu as perdu une femme qui t’aimait sincèrement, qui était prête à t’accompagner, à t’épauler, à grandir avec toi. Mais tu n’as rien su faire d’autre que de détruire.
Aujourd’hui, je ne t’en veux plus. La colère est partie. Elle a laissé place à la gratitude. Pas pour ce que tu m’as fait, mais pour ce que j’ai appris en sortant de cette relation : que je mérite le respect, la paix, l’amour vrai.
Tu ne fais plus partie de mes journées, de mes pensées, de mes projets. Et pourtant, je te remercie. Parce que ta toxicité a été le déclic dont j’avais besoin pour me choisir enfin. Parce que grâce à toi, j’ai appris que je n’ai pas à mendier l’amour, que je n’ai pas à me taire pour être acceptée, que je n’ai pas à me rapetisser pour faire briller quelqu’un d’autre.
Je sais que d’autres femmes vivent ce que j’ai vécu. Je veux leur dire ceci : ce n’est pas de votre faute. Vous n’êtes pas faibles. Vous n’êtes pas seules. Il y a un après. Et cet après peut être beau, lumineux, porté par votre force retrouvée.
Il faut du courage pour partir, pour se reconstruire, mais c’est possible. La preuve : je suis encore debout. Mieux que debout. Je suis libre.
Alors à toi, mon ex toxique, je dis merci. Merci de m’avoir montré tout ce que je ne veux plus jamais accepter. Merci de m’avoir poussée, sans le vouloir, vers la meilleure version de moi-même. Et surtout, merci de ne plus être dans ma vie.
Parce que tu as essayé de me briser. Mais c’est moi qui ai gagné.
